Transformer le système par la coopération : la force des réseaux et des coalitions

Seul, on s’épuise à réagir. Ensemble, on peut transformer.
On répète souvent que le changement commence par soi. Mais comme l’écrit Margaret Wheatley (autrice, consultante et enseignante américaine reconnue pour son travail en leadership et transformation organisationnelle) : « Le monde ne change pas une personne à la fois, il change quand des réseaux de relations se forment entre des personnes qui découvrent qu’elles partagent une cause commune et une vision de ce qui est possible ».
Autrement dit : les transitions profondes ne naissent pas de la somme des volontés individuelles, mais de la mise en lien des volontés collectives.
1. Sortir des silos : reconnecter les systèmes
Face à la complexité des transitions écologiques, sociales et numériques, les organisations continuent souvent d’agir dans leur périmètre : les entreprises avec leurs pairs, les ONG entre elles, les acteurs publics dans leurs propres cadres. Pourtant, les défis auxquels nous faisons face sont profondément imbriqués et traversent nos frontières institutionnelles.
Transformer le système suppose de relier les différentes pièces du puzzle (entreprises, collectivités, associations, universités, citoyens) pour créer une intelligence collective capable d’agir à la bonne échelle. Les coalitions multi-acteurs permettent précisément cela : faire tomber les cloisons, relier les mondes, croiser les expertises et renforcer la cohérence des actions.
2. De la collaboration à la coalition : étendre le champ du collectif
La collaboration entre pairs reste essentielle, mais elle gagne en puissance lorsqu’elle s’ouvre à la diversité des acteurs. Pour répondre à des enjeux systémiques, il s’agit de rassembler des acteurs de natures différentes autour d’un objectif commun. Ces coalitions peuvent associer :
- des entreprises et des chercheurs pour repenser les chaînes de valeur ;
- des collectivités et des start-ups pour tester des solutions sobres et résilientes ;
- des ONG et des acteurs économiques pour co-construire des indicateurs de durabilité ;
- des syndicats professionnels et des think tanks pour orienter la régulation.
Elles deviennent alors de véritables écosystèmes vivants, où la diversité des points de vue nourrit l’innovation.
Dans le numérique, plusieurs initiatives incarnent cette approche : The Shift Project, L’Institut du Numérique Responsable (INR), le Numérique en commun, Gen Act, etc. Ces espaces démontrent qu’une gouvernance partagée entre acteurs différents est possible et qu’en conjuguant leurs forces, ils peuvent transformer les transitions en véritables dynamiques collectives.
3. Coopérer aussi avec ceux qui ne pensent pas (exactement) comme nous
Construire des coalitions, c’est aussi apprendre à collaborer avec des acteurs qui n’appréhendent pas les défis de la même manière. Sur le climat, le numérique ou la transition énergétique, tout le monde n’a pas le même degré de conscience ni les mêmes priorités. Et c’est normal. L’objectif n’est pas de convaincre, mais d’écouter pour trouver des terrains d’entente. Des sujets sur lesquels les intérêts convergent : la sécurité énergétique, la qualité de vie, la résilience des territoires, entre autres.
Ces points d’entrée partagés permettent d’ouvrir le dialogue, de construire la confiance et d’avancer ensemble, même depuis des positions initialement divergentes. C’est dans cette diversité, parfois inconfortable, que se trouvent les plus grandes opportunités de transformation.

4. Des réseaux à l’émergence : comment le changement prend de l’ampleur
Les réseaux jouent un rôle crucial, mais comme le rappelle Margaret Wheatley : « Les réseaux ne sont pas la fin de l’histoire. Quand les efforts locaux se connectent et se renforcent en communautés de pratique, un nouveau système émerge, avec des capacités qui n’existaient pas auparavant« . C’est ce phénomène d’émergence qui fait passer du collectif à la transformation systémique.
Lorsque des initiatives locales s’alignent, partagent leurs apprentissages et se renforcent mutuellement, elles créent un nouvel ordre de cohérence. Des solutions qui semblaient marginales deviennent la norme. Des pratiques pionnières deviennent des standards. L’émergence est la façon dont la vie et les systèmes humains créent le changement en profondeur et à grande échelle.
5. Transformer par la relation
Changer le système ne passe pas seulement par des technologies, des réglementations ou des investissements. Cela demande une transformation culturelle : développer une culture de la coopération, du dialogue et de la confiance. Reconnaître que nous faisons tous partie du même système, et que la seule manière d’agir durablement, c’est d’agir ensemble.
Conclusion : la force du collectif en mouvement
Les transitions ne se décrètent pas, elles se construisent par la connexion et la co-création. Les coalitions multi-acteurs sont aujourd’hui les incubateurs de cette transformation : elles permettent d’apprendre ensemble, d’expérimenter ensemble et, peu à peu, de faire évoluer le système existant vers plus de cohérence et de durabilité. Parce qu’ensemble – en réseau, en coalition, en confiance – nous pouvons faire bien plus que changer nos organisations : nous pouvons transformer le système dont elles font partie.


